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Un Abécédaire de la Psychiatrie
  

En parallèle de leur pratique artistique, Maroussia et Valerio ont une pratique dans le champ de la santé mentale. Ils travaillent comme soignants dans un centre de jour psychiatrique depuis plus de 15 ans. L’idée d’aborder la question de la psychiatrie par le biais de la photographie, de l’image, les taraude depuis longtemps. Avec ce nouveau projet, Un Abécédaire de la Psychiatrie, leur intention est de pouvoir travailler depuis l’intérieur, c’est-à-dire en tant que travailleurs de la santé mentale, avec les patients, tout en utilisant la démarche collaborative qui les caractérise.

Il s’agit pour eux de questionner le savoir psychiatrique, qui sait quoi sur qui et qu’en fait-il ? Et d’interroger dans le même temps le médium photographique : que peut-il montrer/raconter et comment ? Véhicule-t-il nécessairement des stéréotypes ou sert-il à dénoncer ceux-ci ?
La question de l’aliénation les occupe également ; elle est psychique, bien entendu, mais aussi sociale. Comment l’évolution de la société, et donc aussi l’évolution de la prise en charge de la santé mentale, participe à l’aliénation des individus qui la constituent ? Le temps des asiles mouroirs est heureusement révolu, et les patients psychiatriques ont aujourd’hui des droits. Mais le glissement dangereux qui se cache derrière cette nouvelle psychiatrie, inscrite dans une société de performance, de résultats, d’individualisme, réside dans le fait de rendre le patient «responsable» de sa non-guérison. En effet, tout est aujourd’hui mis à sa disposition pour rendre sa vie meilleure : coaching, module de formation, accompagnement vers l’emploi, … Avec pour conséquence un sentiment grandissant d’inaptitude et de culpabilité quand le «résultat» n’est pas au rendez-vous, ou que la guérison est, en fait, impossible. Ils sont également sensibles à la question du symptôme comme
signe, comme parlant, comme disant quelque chose du sujet et de sa difficulté à exister dans le monde. Vouloir éradiquer le symptôme, sans écouter ce qu’il a à dire, revient à évacuer un point central du vécu du patient.

Du point de vue de la démarche artistique, il s’agit de travailler en collaboration avec les patients, de leur donner la parole sur ce qui, in fine, parle d’eux. Ils organisent des ateliers dans lesquelles l’objet de départ consiste à photocopier un Dictionnaire de Psychiatrie et d’en revisiter le contenu au travers d’un travail d’écriture et de collage. Les « planches » ainsi obtenues constituent autant de nouvelles interprétations des termes psychiatriques bien souvent réservés aux seuls professionnels de la santé mentale. Permettre aux patients de dire - et de faire - quelque chose de ces signifiants trouvés dans le Dictionnaire est une manière d’entendre et de donner une place à leur savoir.